Œuvre présentée à Montréal en 2018-2019 : Solo 70, Espace Danse, Édifice Wilder, Festival TransAmériques, juin 2019
Paul-André Fortier a profondément marqué la danse au pays. Son travail, au départ en rupture avec la danse de l’époque, reflète l’audace constante de sa démarche, notamment dans ses collaborations. Son rapport avec la discipline est multiple et son œuvre, plurielle. On retient le parcours du créateur, celui du soliste, et également, son travail de pédagogue et de mentor. Fortier a éclairé la dimension pérenne de la danse à travers sa propre corporéité en se projetant dans le temps et en interrogeant la survivance de son œuvre. Il engage ainsi une réflexion pour l’ensemble de la communauté.
Chorégraphe, interprète et directeur artistique de Fortier Danse Création
Paul-André Fortier est né à la danse dans les années 1970 au cœur même de l’une des aventures chorégraphiques les plus novatrices du Québec et du Canada, celle du Groupe Nouvelle Aire, où se sont retrouvées les personnalités créatrices les plus marquantes qui, avec lui, ont bâti la renommée de la danse québécoise des années 1980 jusqu’à aujourd’hui.
Rappelons qu’avant même de chorégraphier, il s’est distingué immédiatement comme danseur. Danseur « naturel », élégant, racé et raffiné, interprète à la forte présence scénique, qui est devenu rapidement une figure incontournable de la scène chorégraphique montréalaise puis canadienne et l’est resté.
Son parcours de chorégraphe fut d’emblée significatif dans le paysage de la danse. Significatif par « l’invention » de propositions nouvelles tant dans leur forme que dans le contenu (si tant est que l’on puisse dissocier l’un de l’autre), à l’écart de la tradition ou des modes convenues. Il est le précurseur, très tôt reconnu par ses pairs, d’une théâtralité chorégraphique qui affichait haut et fort les tensions du monde contemporain dans une forme drue, exigeante et rigoureuse. Il est ainsi l’un des premiers de cette période à avoir tracé la voie d’une danse libérée des formes du passé qui fit ensuite les beaux jours de toute une génération de chorégraphes ouverte à la modernité et au risque créateur.
Et ce risque, il a toujours su le prendre lui-même. Fortier, en effet, n’est pas un chorégraphe de recettes, mais bien un « aventurier » de l’art (au sens noble du terme), pour qui créer est toujours un pas dans l’inconnu. Après une danse-théâtre branchée sur le monde et qui a profondément marqué l’imaginaire et la pratique chorégraphique québécoise des années 1980, il a tenté, de façon magistrale, l’aventure du solo, avec une trilogie à laquelle s’est jointe, par deux fois, l’artiste visuelle Betty Goodwin. À partir de cette rencontre d’univers formels et symboliques riches, le chorégraphe-interprète a renoué avec la matière même de la danse, le mouvement, qu’il portera à son apogée notamment dans Tensions et Lumière.
Toujours attentif à ce qui se passe en art aujourd’hui, notamment l’avènement du multimédia et des nouvelles technologies, le chorégraphe n’a pas cédé aveuglément aux caprices de l’époque, à la vague du « tout technologique », au contraire, il en a mesuré la portée symbolique et esthétique, déjà pour Tensions puis pour Spirale, une chorégraphie pour 12 danseurs créée pour le Ballet de Lorraine à Nancy.
En 2006, il avait relancé les dés pour le projet Solo 30X30 qui a tenu de l’épreuve initiatique, de la performance et de l’exploit. Ce rituel accompli par tous les temps pendant 30 jours dans une quinzaine de villes internationales pour des passants qui s’arrêteront ou non est une action d’humilité.
Depuis ses premiers solos, Paul-André Fortier a privilégié des collaborations avec d’autres créateurs majeurs, entre autres l’artiste visuel Pierre Bruneau, le compositeur Alain Thibault, le plasticien japonais Takao Minami, le concepteur d’éclairages John Munro, le cinéaste Robert Morin et le performeur écrivain Rober Racine. Les trois derniers ont d’ailleurs fait partie du projet Cabane présenté en première au Festival TransAmériques (FTA) en 2008, puis en tournée au Canada et en Europe. Puis ce sera la création de Vertiges en 2012, un duo insolite et poignant avec le violoniste improvisateur et compositeur Malcolm Goldstein ; ce duo improbable sera suivi de Misfit Blues (FTA 2014), œuvre loufoque, un rien déjantée et grinçante qui renoue avec une certaine théâtralité, créée et dansée avec la chorégraphe-interprète Robin Poitras dans une scénographie de Edward Poitras.
Presque 40 ans depuis Derrière la porte un mur, plus de 50 chorégraphies. Paul-André aujourd’hui se fait passeur, s’inquiète du patrimoine, du legs aux générations futures. Il s’implique dans la réalisation et la publication du Testament artistique, destiné à la communauté de la danse — Michèle Febvre (version abrégée)