Lauréat 2015

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Photo : Chris Van der Burght / Interprètes : Romeu Runa, Elsie de Brauw, Ross McCormack, Bérengère Bodin, Elie Tass, Lisi Estaras

BIOGRAPHIE

Originaire de Gand, en Belgique, Alain Platel est orthopédagogue de formation et autodidacte en tant que metteur en scène. En 1984, il forme avec des amis et membres de sa famille une troupe fonctionnant en collectif, les ballets C de la B. À partir d’Emma (1988), il se distingue plus clairement en tant que metteur en scène. Il crée Bonjour Madame (1993), La Tristeza Complice (1995) et Iets op Bach (1998), des productions qui propulsent les ballets C de la B au sommet international. En compagnie de l’auteur Arne Sierens, il provoque un effet comparable avec la compagnie de théâtre jeune public Victoria de Gand, en proposant Moeder en kind (Mère et enfant, 1995), Bernadetje (1996) et Allemaal Indiaan (Tous des Indiens, 1999).

Après Allemaal Indiaan, Alain Platel annonce qu’il ne produira plus de nouveaux spectacles. Mais Gérard Mortier le convainc de créer Wolf (2003), une pièce sur Mozart pour la Ruhr-Triennale. Le projet choral Coup de chœurs qu’il monte à l’occasion de l’ouverture du nouveau KVS à Bruxelles marque le début d’une étroite collaboration avec le compositeur Fabrizio Cassol. vsprs (2006) annonce un changement de cap. L’exubérance des spectacles précédents, qui s’exprimait par la diversité des interprètes et les thèmes abordés, cède la place à une plus grande introspection et une plus grande nervosité, en révélant un univers de pulsions et d’aspirations. Et aussi de violence, comme dans Nine Finger (2007) avec Benjamin Verdonck et Fumiyo Ikeda.

Après le style baroque de pitié! (2008), Out of Context – for Pina (janvier 2010) constitue une réflexion quasi ascétique sur l’arsenal de mouvements entourant les spasmes et les tics. À travers ce langage du mouvement, Alain Platel poursuit logiquement sa recherche pour exprimer les sentiments trop forts pour les mots. Son aspiration à quelque chose qui dépasse l’individu est de plus en plus palpable.

En collaboration avec Frank Van Laecke, il crée Gardenia en juin 2010, où la fermeture d’un cabaret pour travestis constitue le point de départ d’une plongée au cœur des vies privées d’un groupe mémorable de vieux artistes. En 2015, Alain Platel et Frank Van Laecke renouvèlent leur collaboration avec En avant, marche !, un spectacle qui s’inspire de la tradition des orchestres de fanfare et des harmonies et dont la direction musicale est assurée par le compositeur Steven Prengels.

À la demande de Gérard Mortier, Alain Platel crée C(H)ŒURS (2012), son plus vaste projet à ce jour, avec les fameuses scènes chorales des opéras de Verdi. Dans un deuxième temps, il y ajoute des morceaux de l’œuvre de Richard Wagner. Dans C(H)ŒURS, Platel, avec ses danseurs et le chœur du Teatro de Madrid, explorera à quel point la beauté d’un groupe peut s’avérer dangereuse. La connotation politique de spectacles comme tauberbach (2014) et Coup fatal (2014), en collaboration avec Fabrizio Cassol, réside dans la joie de vivre et l’énergie qui éclatent de la scène et qui manifestent des moyens de (sur)vivre dans des circonstances difficiles comme dans un dépotoir (tauberbach) ou dans la réalité quotidienne des musiciens au Congo (Coup fatal). « Lust for life » comme moyen de rébellion.

Platel ne cherche pas forcément l’expansion. Sa collaboration à des petits projets comme Nachtschade (pour Victoria en 2006) et le coaching comme pour Pieter et Jakob Ampe et leur création Jake & Pete’s big reconciliation attempt for the disputes from the past (2011) en sont la preuve. Ces deux projets ont d’ailleurs laissé des traces indéniables dans ses réflexions sur ce qu’est le théâtre.

EXTRAIT D’ALLOCUTION

« Pour quelqu’un qui n’a jamais fait des études de danse ou de théâtre et qui au début n’avait même pas l’ambition de devenir metteur en scène, c’est un peu bizarre de me retrouver ici pour recevoir le “Grand Prix de la Danse de Montréal”… mais… quel honneur!

Quand on fait du théâtre, ce n’est pas dans le but de gagner des prix ou de recevoir des décorations. Parfois ça vous arrive… Et à chaque fois, c’est une surprise énorme. Surtout cette fois-ci.

Un jour j’ai reçu un très beau texte sur la nécessité du doute pour l’art, écrit par Amélie Nothomb. J’aimerais bien vous lire cette citation :

“Derrière toute oeuvre, se cache une prétention énorme, celle d’exposer sa vision du monde. Si une telle arrogance n’est pas contrebalancée par les affres du doute, on obtient un monstre qui est à l’art ce que le fanatique est à la foi.”

Au nom des Ballets C de la B et du fond du coeur je voudrais vous remercier pour ce très grand honneur!!! »